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25 nov. 2014

Critique théâtrale

Les travers de la bourgeoisie

6 novembre 2014, Joanie Duquette, Tranches de culture


      André Ricard, dramaturge québécois de talent est l’auteur de nombreuses pièces telles que Le déversoir des larmes, Gens sans aveu et Le tréteau des apatrides. Néanmoins, sa pièce La vie exemplaire d’Alicide 1er, le pharamineux, et de sa proche descendance est celle qui fait le plus réfléchir… « L’argent ne fait pas le bonheur », cette célèbre expression n’aura jamais été aussi vraie que dans cette pièce. Joué pour la première fois le 6 janvier 1972, André Ricard raconte une histoire de déchirement dans la famille la plus riche de son univers déjanté. Dernièrement, la pièce fut interprétée par de jeunes finissants en exploration théâtrale à la salle Léon-Ringuet du cégep de Saint-Hyacinthe. Mise en scène par Carl Béchard, les représentations ont eu lieu du 24 au 30 octobre 2014.

                 Corruption, affaires frauduleuses, fratricides et même inceste font partie des sujets soulevés par André Ricard par le biais d’Alcide 1er, cet homme contrôlant, manipulateur et avare. Il tente par tous les moyens de garder sa descendance sous sa coupe, mais dans une famille où l’argent est la principale valeur, la zizanie s’installe dans l’ombre puis, devient tranquillement de plus en plus présente. Ils forment des alliances et finissent tous par s’entretuer! Et tout cela dépeint en 12 tableaux (décors). Cette tragédie garde une très grande portée politique et sociale. La fin est un excellent exemple. On peut voir Laurence (la cadette d’Alcide) qui est allée « miner les voûtes de l’édifice » où se trouvent ses frères Pistache et Geoffroy.

                  Le style langagier des personnages est original puisqu’il passe d’un niveau de langue soutenue à un niveau populaire. Cette démarcation se fait entre les riches et les pauvres. Les bourgeois de la famille d’Alcide sont très bien éduqués (en apparence du moins…) alors ils adoptent un niveau de langue plus élevé en accord avec le rang qu’ils occupent dans la société. Le contraire est aussi vrai, puisque la classe moyenne qui manque d’éducation et qui se meurt de faim parle un niveau de langue très populaire. Il s’agit d’une façon pour le dramaturge de faire comprendre au public que les bourgeois et « les autres » ne fassent pas partie du même monde, que tous les opposent. D’ailleurs, ces « sans éducation » sont les premiers à porter assistance et à offrir leur générosité lorsque le besoin s’en fait sentir. Par exemple, Jarmaine parle à une de ses filles et utilise le qualificatif « dévoyé », un mot bien peu utilisé dans le langage courant. Il s’agit plutôt d’un terme bourgeois « éduqué ». Alors que d’autres personnages comme Martha, qui utilise le terme, d’une pauvresse, « pantoute ».

                      Pour le jeu des acteurs, il était impeccable! François Ruel-Côté dans le rôle d’Alcide (ainsi que le policier, le médecin et la statue d’Alcide) était parfaitement dans le rôle du riche manipulateur. Florence Boudreault était la meilleure actrice de la pièce avec son rôle de Laurence la sans-cœur (et aussi l’attachée politique et la servante et couturière). 

                  « On vous récompensera des crimes d’hier si vous n’en commettez pas aujourd’hui », dit si bien André Ricard dans sa pièce Casino voleur (1978). Ceci s’applique inversement dans la pièce d’Alcide 1er puisque l’histoire de cette famille n’est qu’une suite de décadences meurtrières. Il s’agit d’une bonne histoire avec une puissante portée sociale qui éveillera sûrement bien des esprits.   


La vie exemplaire d’Alcide 1er, le pharamineux, et de sa proche descendance
Texte de mise en scène : André Ricard

Du 24 au 30 octobre, Théâtre du Cégep de St-Hyacinthe


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