Rue Fable
Sans mot
Mercredi 12 novembre 2014, Marie-Ève Ledoux
Depuis l’été 2014, Réal Bossé et Sylvie Moreau ont rejoint Jean Asselin
à la direction artistique de la compagnie OMNIBUS,
le corps du théâtre. Ils réalisaient
ensemble leur première maîtrise d’œuvre conjointe avec Rue Fable, une farce présentée en première le 21 octobre dernier au théâtre Espace Libre.
Un appel à l’interprétation
Avec tous les sons artificiels
qui y sont ajoutés, cette pièce de théâtre se range plutôt du côté du théâtre truqué,
postmoderne. Elle possède un côté métaphorique intéressant également, car
durant les changements de saisons, les acteurs sortent un peu de leurs
personnages pour mimer soit des feuilles qui tombent, soit des flocons de neige
dans une tempête ou même des fleurs qui poussent et éclosent. Les scènes de ce
genre font appel à notre interprétation et l’on peut comprendre ces mimiques
grâce aux différents bruits qu’on entend simultanément. Cela fait penser au film
The Tribe, de Myroslav Slaboshpytskiy,
dans lequel les personnages communiquent uniquement par langage des signes.
Dans ce cas-ci comme dans Rue Fable,
nous n’avons pas (ou très peu) accès au message par la parole, mais par les
gestes et les sons. Il est impressionnant de voir que nous n’avons pas de
difficultés à comprendre le sens de ces œuvres en étant privés du moyen de
communication le plus utilisé quotidiennement, en n’ayant recours qu’à notre
interprétation des éléments stylistiques.
Des musiques classiques
interviennent souvent pour signifier que le temps passe, soit d’une saison à
l’autre, ou seulement d’une journée à une autre. Les séquences musicales
deviennent plus rythmées quand il y a plus d’action, par exemple quand les
acteurs imitent des vêtements suspendus à une corde à linge, qu’il se met à
venter et que ceux-ci partent au vent. Ces musiques accompagnent souvent les
scènes symboliques. On utilise parfois quelques leitmotivs pour annoncer la
venue de certains personnages, ou de certaines situations qui se répètent. Telles que les scènes humoristiques entre la Tite en Crisse et
Monsieur Maxime, où elle le dérange sans cesse et où il se débarrasse d’elle
toujours d’une manière très caricaturale et humoristique.
L’éclairage joue un rôle presque
aussi important que le son, dans cette histoire. Il nous indique les moments de
la journée et parfois, les ambiances qui règnent sur la rue Fable. Par le
fait même, c’est variations de lumière nous aident à comprendre l’action.
Quand l’éclairage devient plus clair et plus bleuté, on comprend que l’hiver
vient d’arriver ou, s’il devient ne serait-ce qu’un peu plus doux, que l’action
se passe au petit matin.
Toute l’histoire se passe sur une
scène à l’italienne à la hauteur du sol, plus basse que les spectateurs. À part
une bûche de bois qui sert de banc et de sac, aucun objet n’est utilisé. Ce
n’était pas un inconvénient, car ce n’était pas nécessaire; le public a réussi
à comprendre sans objets. Les costumes étaient les seuls accessoires des
acteurs et ils étaient bien choisis, parce que l'on aurait pu déterminer leurs
caractères et personnalités seulement en les regardant.
Les comédiens ont bien joués; ils
restaient dans leur personnage même durant les scènes où ceux-ci ne prenaient
pas part à l’action et faisaient face au mur du fond. Les acteurs continuaient
de bouger au ralenti, dans l’ombre, selon les mouvements de leur personnage.
La première maîtrise d’œuvre
conjointe de Jean Asselin, Réal Bossé et Sylvie Moreau mérite
le détour. Avec l’originalité et l’humour dont elle fait preuve, l’absence de
mots nous impressionne et finit par nous laisser sans mots.
Rue
Fable
OMNIBUS,
le corps du théâtre
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