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18 nov. 2014

Critique théâtrale 2

Rue Fable         

Sans mot

Mercredi 12 novembre 2014, Marie-Ève Ledoux         


  Depuis l’été 2014, Réal Bossé et Sylvie Moreau ont rejoint Jean Asselin à la direction artistique de la compagnie OMNIBUS, le corps du théâtre. Ils réalisaient ensemble leur première maîtrise d’œuvre conjointe avec Rue Fable, une farce présentée en première le 21 octobre dernier au théâtre Espace Libre.


  Cette pièce suit les vies de six personnes habitant la rue Fable, à travers leur quotidien et au fil des saisons. Chaque personnage a son caractère qui lui est propre, son propre style, sa propre porte d’entrée et parfois même, sa propre musique. Le son a une importance capitale dans cette pièce, car les personnages ne parlent que très peu et les sons ambiants remplacent les objets. Par exemple, à la place d’utiliser un vrai trousseau de clés pour déverrouiller les portes des logements, les acteurs miment l’action et un bruit artificiel de clés s’entrechoquant se fait entendre dans la salle. De cette manière, les sons mènent l’histoire tout au long de la pièce, ce qui donne à celle-ci une touche d’originalité et d’humour. L’aspect sonore permet également aux metteurs en scène d’inclure plusieurs scènes symboliques.



Un appel à l’interprétation


  Avec tous les sons artificiels qui y sont ajoutés, cette pièce de théâtre se range plutôt du côté du théâtre truqué, postmoderne. Elle possède un côté métaphorique intéressant également, car durant les changements de saisons, les acteurs sortent un peu de leurs personnages pour mimer soit des feuilles qui tombent, soit des flocons de neige dans une tempête ou même des fleurs qui poussent et éclosent. Les scènes de ce genre font appel à notre interprétation et l’on peut comprendre ces mimiques grâce aux différents bruits qu’on entend simultanément. Cela fait penser au film The Tribe, de Myroslav Slaboshpytskiy, dans lequel les personnages communiquent uniquement par langage des signes. Dans ce cas-ci comme dans Rue Fable, nous n’avons pas (ou très peu) accès au message par la parole, mais par les gestes et les sons. Il est impressionnant de voir que nous n’avons pas de difficultés à comprendre le sens de ces œuvres en étant privés du moyen de communication le plus utilisé quotidiennement, en n’ayant recours qu’à notre interprétation des éléments stylistiques.

  Des musiques classiques interviennent souvent pour signifier que le temps passe, soit d’une saison à l’autre, ou seulement d’une journée à une autre. Les séquences musicales deviennent plus rythmées quand il y a plus d’action, par exemple quand les acteurs imitent des vêtements suspendus à une corde à linge, qu’il se met à venter et que ceux-ci partent au vent. Ces musiques accompagnent souvent les scènes symboliques. On utilise parfois quelques leitmotivs pour annoncer la venue de certains personnages, ou de certaines situations qui se répètent. Telles que les scènes humoristiques entre la Tite en Crisse et Monsieur Maxime, où elle le dérange sans cesse et où il se débarrasse d’elle toujours d’une manière très caricaturale et humoristique.

  L’éclairage joue un rôle presque aussi important que le son, dans cette histoire. Il nous indique les moments de la journée et parfois, les ambiances qui règnent sur la rue Fable. Par le fait même, c’est variations de lumière nous aident à comprendre l’action. Quand l’éclairage devient plus clair et plus bleuté, on comprend que l’hiver vient d’arriver ou, s’il devient ne serait-ce qu’un peu plus doux, que l’action se passe au petit matin.

  Toute l’histoire se passe sur une scène à l’italienne à la hauteur du sol, plus basse que les spectateurs. À part une bûche de bois qui sert de banc et de sac, aucun objet n’est utilisé. Ce n’était pas un inconvénient, car ce n’était pas nécessaire; le public a réussi à comprendre sans objets. Les costumes étaient les seuls accessoires des acteurs et ils étaient bien choisis, parce que l'on aurait pu déterminer leurs caractères et personnalités seulement en les regardant.

  Les comédiens ont bien joués; ils restaient dans leur personnage même durant les scènes où ceux-ci ne prenaient pas part à l’action et faisaient face au mur du fond. Les acteurs continuaient de bouger au ralenti, dans l’ombre, selon les mouvements de leur personnage.

  La première maîtrise d’œuvre conjointe de Jean Asselin, Réal Bossé et Sylvie Moreau mérite le détour. Avec l’originalité et l’humour dont elle fait preuve, l’absence de mots nous impressionne et finit par nous laisser sans mots.


Rue Fable
OMNIBUS, le corps du théâtre
Texte et mise en scène : Jean Asselin, Réal Bossé, Sylvie Moreau et Alexandre Lang


Du 21 octobre au 15 novembre, théâtre Espace Libre


Critiques théâtrales

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